La crise, des enseignements-clés pour réussir – Episode 2

Posted by | Blog | 0 |

La danse du changement

Article 2/3 : 2 nouveaux enseignements-clés

 « La crise, tremplin d’évolution d’une entreprise ? »

A travers cette série de trois articles, je vous transmets 6 enseignements-clés pour aborder différemment les situations de crise dans vos organisations.

Dans le précédent article j’avais proposé 2 enseignements-clés à savoir :

Le 1er : L’apprentissage d’une culture de la transformation, à travers une pédagogie de la crise est incontournable pour réussir.

Le 2ème : la crise est révélatrice d’opportunités que l’on ne verrait pas si, l’on n’était pas obligé de s’arrêter.

Et si la crise était un tremplin vers une évolution de l’entreprise ?

Voici racontée une expérience vraie et réussie d’une entreprise en situation de crise.

Bien sûr, les noms, activités et éléments de contexte ont été modifiés pour préserver la confidentialité de la mission. J’ai intitulé cette histoire :

Les fondations de la confiance et de l’action

Un contexte où la confiance n’est plus… 

Je suis sollicitée par Michel, Directeur d’un groupe de PME, qui me demande d’accompagner l’une des filiales du groupe. Le domaine d’activité de l’entreprise est la maintenance industrielle. Elle existe depuis 40 ans. Ce n’est pas une toute jeune entreprise. Au contraire, elle est une entreprise présente sur son marché depuis un bon nombre d’années, elle a donc une longue expérience de son environnement. Elle emploie près d’une soixantaine de salariés. Néanmoins, c’est une entreprise qui a connu de nombreux soubresauts me dit Michel. Les dernières années ont été tourmentées selon lui, alimentées par une perte de rentabilité et de productivité, avec des tensions sociales, des désordres organisationnels et fonctionnels qui ont amené une perte des repères pour les salariés, ainsi qu’une perte de confiance.

C’est une entreprise en difficulté qui vit plusieurs changements à la fois et ils sont de taille :

Le départ du chef d’entreprise dont c’est la fin du mandat mais il est épuisé ; La baisse significative du chiffre d’affaires et le moral des troupes en berne ; L’image négative des métiers vécue par les salariés ; L’arrivée d’un nouveau chef d’entreprise.

Et si l’on recherchait du sens ? 

La demande de Michel, consiste à donner une nouvelle direction à cette entreprise, face aux enjeux élevés dont l’arrivée du chef d’entreprise, laquelle arrivée, pourrait permettre de conforter ce nouvel élan dynamique. Cette démarche viserait à construire « de nouvelles fondations » de l’entreprise.

Le futur chef d’entreprise, Stéphane, a été recruté par Michel, selon des critères nouveaux dans le groupe : il est jeune, il a des compétences de management d’équipe éprouvées ; C’est un communiquant ; Il a du charisme, il est proche des gens et à l’écoute.

Néanmoins, c’est dans ce contexte de difficultés majeures, que Stéphane va prendre ses nouvelles fonctions. Plusieurs défis attendent ce nouveau chef d’entreprise, avec en plus, une culture locale à découvrir pour lui et sa famille, sur un nouveau territoire : les Antilles françaises.

Le changement est un processus complexe et paradoxal. La pédagogie du changement distingue deux types de changements dans les systèmes humains : celui qui intervient à l’intérieur du système et celui qui modifie le système lui-même. Grégory Bateson nomme le premier le changement de type 1 et le deuxième le changement de type 2. 1

Le changement de type 1 entraîne un risque de « plus ça change et plus c’est la même chose » car il maintient le système en l’état.

Le changement de type 2 se caractérise par le fait que c’est le système qui se modifie ou qui est modifié.

Pour reprendre une métaphore à Paul Watzlawick, le changement de type 1 s’apparente à l’action du thermostat qui régule la température en fonction des variables thermiques ou encore à celle de l’accélérateur de la voiture qui permet d’aller plus vite mais en conservant le même régime, alors que le changement de type 2 correspond à une intervention sur le levier de vitesse qui modifiant alors le régime de la voiture la fera passer à un niveau supérieur de puissance. Face à une côte très abrupte (changement de contexte) si le conducteur ne faisait qu’accélérer « un peu plus », il n’effectuerait qu’un changement de niveau 1, solution qui amplifierait le problème car sa voiture (imaginons une petite cylindrée) un peu plus à court de puissance, avancerait de plus en plus difficilement et finirait sans doute par caler ! Dans cet exemple, la solution consistant à changer de vitesse pour modifier le régime du moteur correspond précisément à un changement de niveau 2. 2

Tout comme dans l’exemple ici.

On a trois mois pour préparer un Séminaire sur « les nouvelles fondations » et faire évoluer les choses avec Stéphane. Je dois établir les fondements de la démarche. Il est « urgent d’aller doucement ». Vouloir changer et bâtir de nouvelles fondations ne suffisent pas. Mon intention de coach est d’accompagner le dirigeant à co-construire le chemin de la nouvelle entreprise avec l’ensemble des salariés. L’aider à créer un mouvement dynamique où ils se sentent engagés à ses côtés et partagent une vision commune de l’avenir.

L’Approche Systémique permet un regard et une façon de «penser systémique» qui ouvre sur une lecture de la complexité des modèles d’organisation et se prolonge par la possibilité d’élaborer une stratégie de changement active.

Ce qui est mis en place :

 Une rencontre en visioconférence avec Stéphane avec la présence de Michel nous permet de faire connaissance, nous donner les objectifs. Nous nous mettons d’accord sur les processus et les rôles de chacun.

‚ Une réunion générale a lieu, avec l’ensemble des salariés, présentée par  Michel. L’idée est de créer un climat instaurant une relation de confiance basée sur des compétences associées et des valeurs communes. L’introduction est faite d’une entreprise pouvant devenir un lieu d’accomplissement pour chaque personne.

Le 3ème enseignement-clé : Changement et non changement vont de pair. 3

Le changement est indissociable du non-changement.

Qu’on se le dise : une demande de changement entraîne une demande de non-changement. Ainsi, les possibilités de non changement doivent être évaluées au même titre que les possibilités de changement. L’une et l’autre doivent être considérées comme des compétences qui seront utiles pour le projet selon J.A. Malarewicz.3

Selon Peter Senge, « Faire durer tout projet de changement profond implique un changement profond des modes de pensée. Nous devons comprendre la nature des processus de croissance, c’est-à-dire, les forces qui soutiennent nos efforts, et comment les catalyser.

Mais nous devons également comprendre les forces et les défis qui freinent le progrès, pour mettre au point des stratégies efficaces pour y faire face. Nous devons comprendre la Danse du Changement, l’interaction inévitable entre les processus de croissance et les processus régulateurs.

Comme le dit le biologiste chilien Humberto Maturana : « Tout mouvement est inhibé dès le moment où il se produit ». C’est un fait de la nature. Nous devons soit nous en accommoder soit le combattre. Il faut donc que nous pensions au changement durable, d’une façon plus biologique que mécanique. Ce qui implique d’avoir recours à la fois à la patience autant qu’à l’urgence« Il est urgent d’aller doucement ».

Ce qui implique un réel sens de la recherche, une authentique curiosité sur les forces régulatrices. Ce qui implique d’observer, comment les changements importants, démarrent invariablement localement et comment ils se développent dans le temps. Ce qui implique, enfin, d’identifier les différentes catégories de personnes qui jouent un rôle clé dans le maintien du changement, ceux qui seront les leaders du changement » 4

L’approche paradoxale du changement nous amène à être attentifs à deux aspects :

  • Conserver et mettre en avant les bonnes pratiques.
  • Faire évoluer les pratiques dans le sens du projet collectif.

Pour le coach, il s’agit d’élaborer les différences séquences en cohérence avec le pôle conservation et le pôle évolution. Cette approche du changement permet de créer les conditions favorables pour l’initier. Les différentes séquences alternant l’individuel et le collectif favorisent la prise en considération de chaque personne. Chaque salarié se sentant important peut accueillir le nouveau sens et y trouver un nouvel intérêt.

C’est ainsi, qu’au cours de la rencontre avec les salariés, je leur ai proposé de travailler à l’aide d’un exercice qui permettait de « Connaître l’entreprise, à travers votre point de vue ».

Les salariés, intrigués, se prêtent volontiers au jeu. Ils donnent abondamment leurs réponses aux questions qui leur sont posées. J’ai déjà en tête d’autres questions à leur poser : « Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui ? Qu’est-ce qui doit être conservé ? A quoi, devons-nous être vigilants, ensemble ? A quoi ressemblerait un projet réussi ? » Néanmoins, ils ne sont pas prêts, c’est trop tôt. Stéphane, le futur dirigeant n’est pas encore en fonction. Patience ! On y arrivera.

Des ateliers, par petits groupes de salariés, ont été mis en œuvre. L’intention était de les faire participer à la réflexion et à la construction du projet. Ces ateliers avaient pour objectifs de créer des échanges, de faire une première mise à plat ; Puis de récolter leurs idées et leurs propositions. Je les ai fait réfléchir sur ce qui leur semblait important à conserver pour l’équilibre de l’entreprise. Le coach fait émerger les priorités de chaque groupe et les aide à traduire les leviers de motivations. Ces travaux seront restitués lors du séminaire avec leur dirigeant.

„Des entretiens individuels ont été menés avec les cadres. L’objectif était de connaître leurs fonctions, leurs expériences et difficultés de management.

Tous ces processus ont permis de faire une lecture stratégique pour le coach et d’en dégager les pistes de réflexion.

A ce moment précis, qu’est-ce que l’approche systémique et paradoxale peut nous apprendre des ateliers et des entretiens individuels ?

En effet, parmi les cadres, les plus anciens d’entre eux, paraissent démobilisés. Leur rôle, leurs missions ne sont pas assez pris en compte selon eux. Ils souffrent davantage de la perte de repères liés à leurs métiers. Ils souhaitent pouvoir davantage prendre part aux décisions et apporter leur contribution. Or, le nouveau chef d’entreprise aura besoin de s’appuyer sur tous les cadres pour enclencher les plans d’actions et les piloter. Les entretiens individuels les ont reboosté. C’est alors que les leviers de motivation pour les cadres vont être importants pour retrouver de l’action.

Quant au reste des salariés, contrairement à ce que l’on pouvait penser, leur adhésion a été reliée au style participatif et contributif de la démarche. Même si le doute existe et le niveau d’attentes renforcé, les raisons de vivre autre chose dans l’entreprise dominent largement. Un nouveau sens se fait jour. C’est l’enseignement qui suit.

Le 4ème enseignement-clé : Etre attentif au côté positif de la crise 

Pour qu’un nouveau sens apparaisse, un nouveau commencement est à créer. Il s’agit de faciliter les conditions d’implication des salariés.

Le point de départ pour enclencher la démarche se révèle être une NECESSITE D’AGIR à faire partager.

Cette nécessité se présente comme une combinaison d’insatisfactions et de contraintes vécues par tous et à tous les niveaux. C’est aussi une nécessité à prendre conscience, à remettre à plat le fonctionnement de l’entreprise, la nécessité du dialogue à renouer.

Tous les salariés se sont accordés sur cette Nécessité d’Agir.

Les leaders du changement sont parmi eux. La démarche permettra de les faire émerger.

Les personnes sont beaucoup plus impliquées dans un projet lorsqu’elles peuvent agir, apporter leur contribution au changement DESIRE plutôt que si ce changement leur est IMPOSE.

Lorsque les salariés ont compris qu’ils pouvaient participer aux changements eux-mêmes, ils ont montré leur volonté d’agir. Il y avait alors comme un parfum d’impatience dans l’air !

Nous avions su faire surgir une nouvelle représentation de la situation, c’est le côté positif de la crise : Avoir le sentiment d’appartenance à un collectif, avoir un rôle à jouer et la capacité d’agir et de participer sont des conditions indispensables pour révéler les talents dans l’entreprise, aussi bien en temps de crise qu’en temps normal.

Vient l’Arrivée de Stéphane et sa prise officielle de fonction de Chef d’entreprise.

La suite dans le prochain article avec de nouveaux enseignements-clés….

N’hésitez pas à commenter, échanger avec moi.

Flora ELIAZORD

Coach Professionnel RNCP, Membre I.C.F.

contact@collectif-coaching.com – http://www.collectif-coaching.com

Sources :

1 Du désir au plaisir de changer – Chapitre : Le changement, un processus complexe et paradoxal, Françoise Kourilsky Dunod

2 Du désir au plaisir de changer, Françoise Kourilsky Dunod

3 Systémique et Entreprise, mettre en œuvre une stratégie de changement – Jacques-Antoine MALAREWICZ Ed. Pearson 3ème édition

4 La danse du changement : Maintenir l’élan des organisations apprenantes – Peter SENGE- First Edition

Savoir former des personnes ensemble pour apprendre à travailler ensemble !